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Il nous conte les océans, la biodiversité et ses rapports à l’Humanité avec un allant sans nul autre pareil : Gilles Bœuf, professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, membre de nombreux conseils scientifiques dont celui du ministère de l’Environnement, est également un passeur de savoirs hors pair. En 2016, il nous a confié avoir tenu 120 conférences publiques dans 26 pays différents, en 3 langues. Il fait aussi de nombreuses apparitions dans les médias. Quel est donc son secret ? Comment voit-il la communication scientifique en France ? Entretien.

Big Bang Science : Pourquoi vulgarisez-vous les sciences ?

Gilles Bœuf : J’ai fait de la recherche fondamentale, et je me suis rendu compte que la communication était essentielle. Notamment parce que sur des thématiques comme les miennes, on finit par avoir un discours politique (attention, je ne parle pas de parti politique !) En tant que chercheur, j’ai bien compris que si on veut modifier le système et ne pas le laisser entre les mains des gens qui nous préparent un monde insoutenable, il faut communiquer. Et pour moi, la science est le seul moyen de le faire de façon fiable, intelligente, non discutable. Quand je dis quelque chose, c’est vérifié, ça a été publié, analysé par d’autres. Et là-dessus, on construit un discours scientifique. J’ai toujours la naïveté de croire que le monde politique a besoin de ça pour prendre les bonnes décisions. Je sépare bien la position du scientifique et celle du politique.

Donc une bonne communication scientifique bien faite, transmise au public (j’ai horreur du terme « vulgariser » !), est fondamentale. Plus on aura de gens autour de nous qui auront compris les choses, plus on avancera. Cela demande au scientifique un effort fantastique pour apprendre à avoir un langage simple et être capable d’expliquer des choses extrêmement complexes à tout le monde. Quand on arrive à faire ça, on a quelques impacts.

Big Bang Science : Que pensez-vous de l’état de la communication scientifique en France à l’heure actuelle ?

Gilles Bœuf : Il n’est pas suffisant, évidemment ! D’abord, il faut voir une chose. En France, il y a 60 000 chercheurs publics, 120 000 dans les entreprises. Tous ne sont pas aptes à faire ça, on ne peut pas obliger un chercheur qui n’a pas envie de communiquer à le faire. On travaille avec ceux qui en ont envie. Et le corollaire, c’est qu’il faut que l’organisme de recherche auquel ils appartiennent valorise ceci quand ils le font, qu’il les encourage à communiquer. Il faut que ce soit compris dans leur cursus. Qu’il s’agisse d’un enseignement bien fait, pour les universitaires, mais aussi, bien sûr, de la diffusion vers le grand public. C’est pour moi un critère important d’évaluation d’un personnage scientifique.

Mais il ne doit pas faire que ça. En même temps, il faut continuer à assurer de bonnes recherches pour être sûr que ce qu’on va divulguer ait toujours sa pertinence. Mais si on le fait avec son cœur et son envie, et que ça nous plaît, il ne faut pas s’en priver !

Big Bang Science : En parlant de communication scientifique, que vous apporte-t-elle sur un plan personnel ?

Gilles Bœuf : On a plaisir à partager ce qu’on aime. Il y a deux ans, j’ai fait des cours au Collège de France, publics, diffusés sur France Culture. Ils repassaient encore la semaine dernière. J’ai vu passer des tas de tweets. Des gens m’écrivent, m’appellent… Une fois, un type m’a dit « je suis chanteur de rock, je vous ai écouté, c’est génial, je diffuse à mes copains ! » C’est fort ! Et quand je vois des anciens étudiants que j’ai eus il y a 15 ou 20 ans et qu’ils me disent « je fais ça aujourd’hui parce que je vous ai écouté en cours », c’est valorisant et gratifiant. Et je crois que pour un scientifique, c’est important.

Big Bang Science : Pour finir, un conseil pour les apprentis communicants scientifiques ?

Gilles Bœuf : L’important, c’est de donner un espoir aux gens. Ça ne sert à rien de générer un climat d’angoisse ! Il faut au contraire toujours inclure une note positive sur le futur.

Propos recueillis par Valentine Delattre.

Lire la biographie de Gilles Bœuf sur le site du Collège de France